Les étapes du deuil : ce qu’il faut savoir
Aujourd’hui, nous allons parler des étapes du deuil. On va aborder ce sujet avec prudence car décrire le deuil en terme d’étapes recèle un piège : celui de la simplification à outrance d’un processus complexe.
chemin deuil
Les étapes du deuil | Le concept est très populaire, c’est souvent l’une des seules choses, que l’on connaît à propos du deuil. Mais tout le monde ne parle pas des mêmes étapes, phases ou stades. Selon les auteurs et les modèles théoriques choisis, le nombre d’étapes peut varier de trois à sept !
Pourquoi les “5 étapes du deuil” d’Elisabeth Kübler-Ross ne sont pas toujours pertinentes ?
Le modèle le plus connu est, sans doute, celui d’Elisabeth Kübler-Ross, une psychiatre pionnière dans le mouvement des soins palliatifs. En 1969, elle décrit pour la première fois, un processus psychologique qui passe par 5 étapes différentes : 1) le déni, 2) la colère, 3) la négociation, 4) la dépression, 5) l’acceptation.
Mais à l’origine, Kübler-Ross décrit ce qui se passe chez la personne en fin de vie, c’est-à-dire chez une personne qui fait face à l’annonce de sa propre mort, de sa propre fin. C’est une situation différente pour celui ou celle, qui apprend la mort de son conjoint ou de son enfant… Cette personne va devoir apprendre à composer avec l’absence de l’être aimé et avec le trou béant laissé dans sa vie. Bien sûr, il peut exister des similitudes : le choc de la nouvelle, la présence de colère, le vécu dépressif, …
Néanmoins, les enjeux du processus de deuil sont différents. Il s’agit ici de parvenir, tant bien que mal et après un certain temps, à apprivoiser l’absence de la personne aimée, à se reconstruire et retrouver un équilibre intérieur pour poursuivre sa vie.
Le modèle des “5 étapes de Kübler-Ross” est encore souvent évoqué lorsque l’on parle de la perte d’un proche… Mais il est de plus en plus critiqué… Représenter le deuil en une succession d’étapes peut laisser croire qu’il s’agit d’un processus linéaire où l’on passe inévitablement par l’étape 1 puis l’étape 2, 3 et ainsi de suite. C’est une idée fausse que combattent les auteurs mêmes de ce modèle (Elisabeth Kübler-Ross & David Kessler), dès l’introduction de leur ouvrage “Sur le chagrin et le deuil” :
Depuis que nous avons présenté ces cinq phases du deuil, il y a trente ans, leur définition a évolué, car ces notions ont parfois été mal comprises. Jamais il n’a été question de diviser l’évolution d’un processus complexe en paliers clairement distincts les uns des autres. […] Tout le monde ne passe pas forcément par ces cinq étapes et les réactions ne suivent pas toujours le même ordre.
Elisabeth Kübler-Ross & David Kessler
D’autres chercheurs et cliniciens remettent en cause la notion même d’étapes. Comment réduire un processus aussi complexe et singulier, fait d’allers-retours et de mouvements contradictoires, en grandes étapes ? Force est de reconnaître que jusqu’à aujourd’hui, les études scientifiques menées sur les étapes du deuil, notamment les 5 étapes de Kübler Ross, n’ont pas donné de résultats probants, dans un sens comme de l’autre.
Qu’est-ce qui peut vous attendre
sur le chemin du deuil ?
Pour notre part, on a remarqué que connaître les étapes qui peuvent jalonner son deuil est souvent utile. Mais seulement si vous les prenez pour ce qu’elles sont : une représentation très simplifiée et donc approximative et déformée de la réalité.
Par exemple, elles peuvent, vous aider à réaliser que le deuil est un chemin et que votre souffrance d’aujourd’hui, évoluera, et s’apaisera au fil du temps. Elles peuvent aussi vous fournir des points de repère et vous rassurer sur ce que vous vivez. Vos réactions ne sont pas “anormales”, elles sont assez fréquentes et d’ailleurs vous les retrouvez décrites à certaines étapes. En revanche, ne les prenez pas comme un guide à suivre. Il est normal et fréquent que les chemins du deuil s’éloignent des modèles théoriques.
etapes du deuil
Le modèle des 4 étapes du deuil
“Ce n’est pas possible”
L’étape 1 : la phase de sidération, de choc
L’annonce du décès de l’être aimé, laisse place à une première phase dite de choc, de sidération voir de relatif déni : “Non, ce n’est pas possible ! Je ne peux pas y croire”. On reste incrédule devant la terrible nouvelle d’autant plus lorsque la mort a surgi brutalement.
Le choc de la nouvelle peut susciter des réactions très diverses. On peut se sentir comme anesthésié au niveau de ses émotions, avec une sensation d’engourdissement, de flottement. Comme si l’on était dans un mauvais rêve et qu’on allait se réveiller. Pour autant, le lieu, le moment, les détails, resteront gravés dans notre mémoire.
On peut aussi se mettre à pleurer, sentir son coeur s’emballer, et éprouver une sensation de vertige qui… parfois… peut mener à une authentique crise de panique. Progressivement, le choc des premiers instants et des premiers jours laisse la place à une deuxième phase dite de recherche ou de protestation.
L’étape 2 : la phase de recherche
Le temps des obsèques est passé, et autour de soi, la vie semble reprendre son cours. Les proches et l’entourage sont souvent déjà retournés à ce qui fait leur quotidien.
Commence alors une période, où l’on est confronté à l’absence de la personne aimée. La perte de cette personne n’est plus une réalité, un peu abstraite, voire irréelle. Elle devient palpable.
phase de recherche_etape du deuil2
Sa voix et son regard, son sourire et ses mimiques, son odeur, sa personnalité, nous manquent. On commence à mesurer le vide qu’elle a laissé dans notre vie. On ressent la souffrance de ne plus pouvoir partager de moments tendres et complices.
Cette souffrance peut revêtir, selon chacun, les habits de la colère, de la culpabilité, du sentiment d’abandon, de la tristesse voir de la détresse. Mais nous reviendrons en détail, sur toutes ces émotions dans un prochain article.
Le téléphone, encore. Ce matin quelqu’un m’appelle, quelqu’un qui me parle de lectures, je ne comprends pas bien, j’écoute, je laisse aller et d’un seul coup je me dis qu’il faut abréger cette conversation, que tu risques de m’appeler comme tu le fais, n’importe quand, pour me demander n’importe quoi, je ne voudrais surtout pas que tu te heurtes au refus de la sonnerie, très vite je raccroche et il me faut encore quelques secondes pour comprendre que tu es morte et que tu ne m’appelleras plus.
Extrait du livre témoignage : La plus que vive – Christian Bobin
Le besoin de garder le lien
À cette étape, on sait au niveau intellectuel, que la personne n’est plus. Mais on ne l’a pas encore intégré au plus profond de soi. D’autant que bien des détails de notre quotidien nous évoquent l’être aimé : les photos, ses affaires, les habitudes de vie…
Cela demande du temps de transformer cette relation extérieure en une plus grande présence intérieure. Pour le moment, on ressent juste le besoin fort de rester proche, de prolonger le lien.
Par exemple, on se surprend à espérer un possible retour. On a l’impression d’entendre ses pas ou sa voix, de reconnaître son visage dans une foule. On pense tout le temps à l’être aimé, il prend toute la place dans notre esprit, de jour comme de nuit.
On peut ressentir le besoin de regarder les photos, d’écouter sa voix sur son répondeur téléphonique, de mettre son parfum, ou de retrouver son odeur sur l’une de ses affaires. On peut aussi se rendre régulièrement au cimetière pour se recueillir, pour lui parler, pour laisser libre cours à ses émotions.
La tentation de la fuite en avant
Face à la souffrance, certains sont tentés de s’étourdir dans un trop-plein d’activités. Pour éviter de penser à l’être aimé. Parce qu’il y a la peur d’être submergé de douleur, parce que les mots s’embrouillent, ou font tout simplement défaut. Cette fuite en avant permet de différer la douleur, mais il serait naïf de penser qu’elle l’annulera ou la fera disparaître.
L’étape 3 : la phase de désespoir et de désorganisation
Le temps passe… Petit à petit, on intègre au plus profond de soi, la perte irréversible de la personne aimée et ce que cela implique. Cette prise de conscience s’accompagne d’une phase de désespoir et de désorganisation.
etape du deuil_desespoir_desorganisation
C’est une période très éprouvante. Elle survient plusieurs mois après le décès et apparaît pourtant plus difficile à vivre que les précédentes étapes.
Souvent, notre détresse est exacerbée par l’impression que l’on vit une régression. On avait le sentiment qu’on ne s’en sortait pas si mal et surtout que le plus dur était derrière nous. L’entourage aussi pensait que le plus dur était passé… On peut donc se sentir moins entouré, moins soutenu, on peut même commencer à entendre des phrases comme, “il faut que tu tournes la page, il faut oublier et passer à autre chose”.
Pourtant, c’est le moment où l’autre nous manque le plus, où son absence nous pèse le plus. C’est le moment, où l’on se sent bien seul sur notre chemin de deuil.
Au niveau des émotions
On peut avoir les nerfs à fleur de peau, être très sensible et facilement irritable. On peut ressentir des sentiments mêlés de colère, d’abandon, d’anxiété, de désespérance ou de culpabilité. Avec une intensité plus forte qu’auparavant.
Au niveau intellectuel
Cette période est caractérisée par un état dépressif, qui n’est pas exactement une dépression, comme nous le verrons dans un prochain article. Cet état dépressif s’accompagne d’un ralentissement de la pensée, d’une tendance à ressasser les choses, et d’une perte d’intérêt pour le monde environnant.
On n’a plus goût à rien, tout nous parait vain, on a tendance à s’isoler, à manquer d’énergie et de concentration. Les gestes, les plus banals du quotidien demande un effort qui nous paraît surhumain.
Parfois, on constate une tendance à idéaliser de manière excessive la personne disparue. Elle se retrouve parée de toutes les qualités, de toutes les vertus. En un mot, elle touchait à la perfection. Évidemment, en comparaison, les vivants font bien pâle figure. Il faut donc se méfier si cette idéalisation se prolonge, car elle peut nous isoler et nous empêcher de réinvestir affectivement de nouvelles personnes.
A la déchirure de la perte, succède un mouvement de cicatrisation.
Bien que douloureuse, cette phase de désespoir et de désorganisation est nécessaire. Elle est utile à la phase reconstruction, comme labourer un champ peut être utile à son ensemencement. Et gardez bien à l’esprit qu’elle est temporaire. C’est une phase de transition, qui correspond à un travail psychique intense : à la déchirure de la perte, succède un mouvement de cicatrisation.
Cette étape, qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, va laisser doucement la place à une phase de reconstruction.
reconstruction__acceptation etapes du deuil
L’étape 4 : la phase de reconstruction, d’acceptation
Progressivement, on éprouve le désir de reprendre sa place dans le monde des vivants. On consent, peu à peu, à composer avec la mort de l’être aimé, à apprivoiser son absence. Cette reprise de la vie sans l’autre, dernière étape du processus de deuil, s’accompagne souvent d’habitudes, valeurs et priorités de vie nouvelles.
L’importance que l’on accordait à certaines choses peut changer. Pour certains, par exemple, la réussite professionnelle ou les biens matériels qui leur paraissaient jusque-là essentiels vont perdre de leur intérêt. D’autres valeurs comme la solidarité, la spiritualité ou encore le besoin de paix intérieure peuvent prendre le relais.
Il est courant que cette épreuve avec tout ce qu’elle entraîne conduise à une transformation profonde de ce qui nous définit et donne sens à notre existence.
À mesure que l’on se reconstruit, on se sent prêt à s’investir dans de nouveaux projets de vie. Ce qui ne signifie pas que l’absence et le chagrin ont complètement disparu ; la déchirure de la perte est toujours inscrite en nous, mais elle n’est plus béante, elle cicatrise. Le souvenir de la personne est toujours là, mais il se fait plus tranquille, plus apaisé.
Bien sûr, il y a toujours des hauts et des bas, des jours avec et des jours sans, mais les ronces et les crevasses qui se trouvaient sur notre chemin, nous ont permis d’acquérir une plus grande tranquillité d’âme. Et à nouveau, la vie a du goût.
Rappelez-vous, que chacun suit un chemin qui lui est propre, que cette description du processus de deuil en 4 étapes ne constitue pas un guide à suivre, cela serait vain, il s’agit simplement de vous proposer quelques points de repère.
A propos de l’auteur
Romain Bourdu, psychologue clinicien spécialisé dans l’accompagnement des personnes en deuil. Les étapes du deuil : ce qu’il faut savoir
Aujourd’hui, nous allons parler des étapes du deuil. On va aborder ce sujet avec prudence car décrire le deuil en terme d’étapes recèle un piège : celui de la simplification à outrance d’un processus complexe.
chemin deuil
Les étapes du deuil | Le concept est très populaire, c’est souvent l’une des seules choses, que l’on connaît à propos du deuil. Mais tout le monde ne parle pas des mêmes étapes, phases ou stades. Selon les auteurs et les modèles théoriques choisis, le nombre d’étapes peut varier de trois à sept !
Pourquoi les “5 étapes du deuil” d’Elisabeth Kübler-Ross ne sont pas toujours pertinentes ?
Le modèle le plus connu est, sans doute, celui d’Elisabeth Kübler-Ross, une psychiatre pionnière dans le mouvement des soins palliatifs. En 1969, elle décrit pour la première fois, un processus psychologique qui passe par 5 étapes différentes : 1) le déni, 2) la colère, 3) la négociation, 4) la dépression, 5) l’acceptation.
Mais à l’origine, Kübler-Ross décrit ce qui se passe chez la personne en fin de vie, c’est-à-dire chez une personne qui fait face à l’annonce de sa propre mort, de sa propre fin. C’est une situation différente pour celui ou celle, qui apprend la mort de son conjoint ou de son enfant… Cette personne va devoir apprendre à composer avec l’absence de l’être aimé et avec le trou béant laissé dans sa vie. Bien sûr, il peut exister des similitudes : le choc de la nouvelle, la présence de colère, le vécu dépressif, …
Néanmoins, les enjeux du processus de deuil sont différents. Il s’agit ici de parvenir, tant bien que mal et après un certain temps, à apprivoiser l’absence de la personne aimée, à se reconstruire et retrouver un équilibre intérieur pour poursuivre sa vie.
Le modèle des “5 étapes de Kübler-Ross” est encore souvent évoqué lorsque l’on parle de la perte d’un proche… Mais il est de plus en plus critiqué… Représenter le deuil en une succession d’étapes peut laisser croire qu’il s’agit d’un processus linéaire où l’on passe inévitablement par l’étape 1 puis l’étape 2, 3 et ainsi de suite. C’est une idée fausse que combattent les auteurs mêmes de ce modèle (Elisabeth Kübler-Ross & David Kessler), dès l’introduction de leur ouvrage “Sur le chagrin et le deuil” :
Depuis que nous avons présenté ces cinq phases du deuil, il y a trente ans, leur définition a évolué, car ces notions ont parfois été mal comprises. Jamais il n’a été question de diviser l’évolution d’un processus complexe en paliers clairement distincts les uns des autres. […] Tout le monde ne passe pas forcément par ces cinq étapes et les réactions ne suivent pas toujours le même ordre.
Elisabeth Kübler-Ross & David Kessler
D’autres chercheurs et cliniciens remettent en cause la notion même d’étapes. Comment réduire un processus aussi complexe et singulier, fait d’allers-retours et de mouvements contradictoires, en grandes étapes ? Force est de reconnaître que jusqu’à aujourd’hui, les études scientifiques menées sur les étapes du deuil, notamment les 5 étapes de Kübler Ross, n’ont pas donné de résultats probants, dans un sens comme de l’autre.
Qu’est-ce qui peut vous attendre
sur le chemin du deuil ?
Pour notre part, on a remarqué que connaître les étapes qui peuvent jalonner son deuil est souvent utile. Mais seulement si vous les prenez pour ce qu’elles sont : une représentation très simplifiée et donc approximative et déformée de la réalité.
Par exemple, elles peuvent, vous aider à réaliser que le deuil est un chemin et que votre souffrance d’aujourd’hui, évoluera, et s’apaisera au fil du temps. Elles peuvent aussi vous fournir des points de repère et vous rassurer sur ce que vous vivez. Vos réactions ne sont pas “anormales”, elles sont assez fréquentes et d’ailleurs vous les retrouvez décrites à certaines étapes. En revanche, ne les prenez pas comme un guide à suivre. Il est normal et fréquent que les chemins du deuil s’éloignent des modèles théoriques.
etapes du deuil
Le modèle des 4 étapes du deuil
“Ce n’est pas possible”
L’étape 1 : la phase de sidération, de choc
L’annonce du décès de l’être aimé, laisse place à une première phase dite de choc, de sidération voir de relatif déni : “Non, ce n’est pas possible ! Je ne peux pas y croire”. On reste incrédule devant la terrible nouvelle d’autant plus lorsque la mort a surgi brutalement.
Le choc de la nouvelle peut susciter des réactions très diverses. On peut se sentir comme anesthésié au niveau de ses émotions, avec une sensation d’engourdissement, de flottement. Comme si l’on était dans un mauvais rêve et qu’on allait se réveiller. Pour autant, le lieu, le moment, les détails, resteront gravés dans notre mémoire.
On peut aussi se mettre à pleurer, sentir son coeur s’emballer, et éprouver une sensation de vertige qui… parfois… peut mener à une authentique crise de panique. Progressivement, le choc des premiers instants et des premiers jours laisse la place à une deuxième phase dite de recherche ou de protestation.
L’étape 2 : la phase de recherche
Le temps des obsèques est passé, et autour de soi, la vie semble reprendre son cours. Les proches et l’entourage sont souvent déjà retournés à ce qui fait leur quotidien.
Commence alors une période, où l’on est confronté à l’absence de la personne aimée. La perte de cette personne n’est plus une réalité, un peu abstraite, voire irréelle. Elle devient palpable.
phase de recherche_etape du deuil2
Sa voix et son regard, son sourire et ses mimiques, son odeur, sa personnalité, nous manquent. On commence à mesurer le vide qu’elle a laissé dans notre vie. On ressent la souffrance de ne plus pouvoir partager de moments tendres et complices.
Cette souffrance peut revêtir, selon chacun, les habits de la colère, de la culpabilité, du sentiment d’abandon, de la tristesse voir de la détresse. Mais nous reviendrons en détail, sur toutes ces émotions dans un prochain article.
Le téléphone, encore. Ce matin quelqu’un m’appelle, quelqu’un qui me parle de lectures, je ne comprends pas bien, j’écoute, je laisse aller et d’un seul coup je me dis qu’il faut abréger cette conversation, que tu risques de m’appeler comme tu le fais, n’importe quand, pour me demander n’importe quoi, je ne voudrais surtout pas que tu te heurtes au refus de la sonnerie, très vite je raccroche et il me faut encore quelques secondes pour comprendre que tu es morte et que tu ne m’appelleras plus.
Extrait du livre témoignage : La plus que vive – Christian Bobin
Le besoin de garder le lien
À cette étape, on sait au niveau intellectuel, que la personne n’est plus. Mais on ne l’a pas encore intégré au plus profond de soi. D’autant que bien des détails de notre quotidien nous évoquent l’être aimé : les photos, ses affaires, les habitudes de vie…
Cela demande du temps de transformer cette relation extérieure en une plus grande présence intérieure. Pour le moment, on ressent juste le besoin fort de rester proche, de prolonger le lien.
Par exemple, on se surprend à espérer un possible retour. On a l’impression d’entendre ses pas ou sa voix, de reconnaître son visage dans une foule. On pense tout le temps à l’être aimé, il prend toute la place dans notre esprit, de jour comme de nuit.
On peut ressentir le besoin de regarder les photos, d’écouter sa voix sur son répondeur téléphonique, de mettre son parfum, ou de retrouver son odeur sur l’une de ses affaires. On peut aussi se rendre régulièrement au cimetière pour se recueillir, pour lui parler, pour laisser libre cours à ses émotions.
La tentation de la fuite en avant
Face à la souffrance, certains sont tentés de s’étourdir dans un trop-plein d’activités. Pour éviter de penser à l’être aimé. Parce qu’il y a la peur d’être submergé de douleur, parce que les mots s’embrouillent, ou font tout simplement défaut. Cette fuite en avant permet de différer la douleur, mais il serait naïf de penser qu’elle l’annulera ou la fera disparaître.
L’étape 3 : la phase de désespoir et de désorganisation
Le temps passe… Petit à petit, on intègre au plus profond de soi, la perte irréversible de la personne aimée et ce que cela implique. Cette prise de conscience s’accompagne d’une phase de désespoir et de désorganisation.
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C’est une période très éprouvante. Elle survient plusieurs mois après le décès et apparaît pourtant plus difficile à vivre que les précédentes étapes.
Souvent, notre détresse est exacerbée par l’impression que l’on vit une régression. On avait le sentiment qu’on ne s’en sortait pas si mal et surtout que le plus dur était derrière nous. L’entourage aussi pensait que le plus dur était passé… On peut donc se sentir moins entouré, moins soutenu, on peut même commencer à entendre des phrases comme, “il faut que tu tournes la page, il faut oublier et passer à autre chose”.
Pourtant, c’est le moment où l’autre nous manque le plus, où son absence nous pèse le plus. C’est le moment, où l’on se sent bien seul sur notre chemin de deuil.
Au niveau des émotions
On peut avoir les nerfs à fleur de peau, être très sensible et facilement irritable. On peut ressentir des sentiments mêlés de colère, d’abandon, d’anxiété, de désespérance ou de culpabilité. Avec une intensité plus forte qu’auparavant.
Au niveau intellectuel
Cette période est caractérisée par un état dépressif, qui n’est pas exactement une dépression, comme nous le verrons dans un prochain article. Cet état dépressif s’accompagne d’un ralentissement de la pensée, d’une tendance à ressasser les choses, et d’une perte d’intérêt pour le monde environnant.
On n’a plus goût à rien, tout nous parait vain, on a tendance à s’isoler, à manquer d’énergie et de concentration. Les gestes, les plus banals du quotidien demande un effort qui nous paraît surhumain.
Parfois, on constate une tendance à idéaliser de manière excessive la personne disparue. Elle se retrouve parée de toutes les qualités, de toutes les vertus. En un mot, elle touchait à la perfection. Évidemment, en comparaison, les vivants font bien pâle figure. Il faut donc se méfier si cette idéalisation se prolonge, car elle peut nous isoler et nous empêcher de réinvestir affectivement de nouvelles personnes.
A la déchirure de la perte, succède un mouvement de cicatrisation.
Bien que douloureuse, cette phase de désespoir et de désorganisation est nécessaire. Elle est utile à la phase reconstruction, comme labourer un champ peut être utile à son ensemencement. Et gardez bien à l’esprit qu’elle est temporaire. C’est une phase de transition, qui correspond à un travail psychique intense : à la déchirure de la perte, succède un mouvement de cicatrisation.
Cette étape, qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, va laisser doucement la place à une phase de reconstruction.
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L’étape 4 : la phase de reconstruction, d’acceptation
Progressivement, on éprouve le désir de reprendre sa place dans le monde des vivants. On consent, peu à peu, à composer avec la mort de l’être aimé, à apprivoiser son absence. Cette reprise de la vie sans l’autre, dernière étape du processus de deuil, s’accompagne souvent d’habitudes, valeurs et priorités de vie nouvelles.
L’importance que l’on accordait à certaines choses peut changer. Pour certains, par exemple, la réussite professionnelle ou les biens matériels qui leur paraissaient jusque-là essentiels vont perdre de leur intérêt. D’autres valeurs comme la solidarité, la spiritualité ou encore le besoin de paix intérieure peuvent prendre le relais.
Il est courant que cette épreuve avec tout ce qu’elle entraîne conduise à une transformation profonde de ce qui nous définit et donne sens à notre existence.
À mesure que l’on se reconstruit, on se sent prêt à s’investir dans de nouveaux projets de vie. Ce qui ne signifie pas que l’absence et le chagrin ont complètement disparu ; la déchirure de la perte est toujours inscrite en nous, mais elle n’est plus béante, elle cicatrise. Le souvenir de la personne est toujours là, mais il se fait plus tranquille, plus apaisé.
Bien sûr, il y a toujours des hauts et des bas, des jours avec et des jours sans, mais les ronces et les crevasses qui se trouvaient sur notre chemin, nous ont permis d’acquérir une plus grande tranquillité d’âme. Et à nouveau, la vie a du goût.
Rappelez-vous, que chacun suit un chemin qui lui est propre, que cette description du processus de deuil en 4 étapes ne constitue pas un guide à suivre, cela serait vain, il s’agit simplement de vous proposer quelques points de repère.
A propos de l’auteur
Romain Bourdu, psychologue clinicien spécialisé dans l’accompagnement des personnes en deuil.